L’épitaphe

L’épitaphe

J’ai vécu dans ces temps et depuis mille années
Je suis mort. Je vivais, non déchu mais traqué.
Toute noblesse humaine étant emprisonnée
J’étais libre parmi les esclaves masqués.

J’ai vécu dans ces temps et pourtant j’étais libre.
Je regardais le fleuve et la terre et le ciel
Tourner autour de moi, garder leur équilibre
Et les saisons fournir leurs oiseaux et leur miel.

Vous qui vivez qu’avez-vous fait de ces fortunes?
Regrettez-vous les temps où je me débattais?
Avez-vous cultivé pour des moissons communes?
Avez-vous enrichi la ville où j’habitais?

Vivants, ne craignez rien de moi, car je suis mort.
Rien ne survit de mon esprit ni de mon corps.

Robert Desnos

 

 

Epitaph

Ich bin der Tote, der durch jene Zeiten schritt.
Vor tausend Jahren. Aufrecht und gejagt.
Das Menschliche, von Mauern war‘s umragt.
Vermummte Sklaven rings – ich lebte mit.

In jenen Zeiten lebt ich – lebt ich frei.
Mein Auge sah die Erde, es sah zum Himmel auf,
ich sah, wie alles kreiste, ich sah den Wasserlauf.
Die Blüte gab den Honig, der Vogel zog vorbei.

Mit alledem, ihr Menschen, was fingt ihr damit an?
Die Zeit, in der ich’s schwer hatt’, tragt ihr sie noch im Sinn?
Sät ihr die Saat gemeinsam und erntet jedermann?
Ist sie durch euch jetzt schöner, die Stadt, aus der ich bin?

Ihr Lebenden, ich leb nicht, ihr braucht nicht bang zu sein.
Mein Leib, er lebt nicht weiter, mein Geist nicht, nichts, was mein.

Übertragung: Paul Celan